On ne refait pas l'histoire. Néanmoins, on est en droit de s'interroger sur ces 80 ans d'histoire de la SNCF à l'heure où on voudrait lui faire prendre un virage aussi important qu'en 1938.
L'après-guerre a vu naitre un trio d'entreprises nationalisées qui furent contraintes par l'Etat de défendre mutuellement leurs intérêts : SNCF, EDF et CDF (Charbonnages de France). En même temps, les USA imposaient à leurs alliés une détaxation du pétrole qu'ils produisaient. On allait voir émerger un pôle pétrolier français lui aussi nationalisé mais que l'Etat allait finalement abandonner au privé après la perte des gisements algériens.
La SNCF allait être contrainte de consommer le courant produit par ses deux partenaires, de contribuer au pôle français du pétrole en achetant des engins thermiques dotés de moteurs français et de suivre le rythme de réduction de la production charbonnière pour liquider la traction vapeur. Des choix qui allaient lui permettre d'encaisser le choc de la crise pétrolière de 1973 au prix de lourdes dépenses d'investissement (et donc d'endettement).
Si la SNCF avait suivi ses propres intérêts, qu'aurait-elle fait ?
- Probablement construit une nouvelle génération des machines à vapeur en puisant dans les projets déjà étudiés. Pas forcément ceux de Chapelon mais une sorte de mixage de ses travaux, de ceux de l'OCEM, de De Caso, ainsi que de la DEL.
- On aurait probablement eu des diésels avec des moteurs étrangers, des gros Sulzer (outre les CC 65500) puis des GM à une époque où l'industrie française ne pouvait pas fournir à cette puissance.
- L'entreprise aurait été plus audacieuse sur le marché des trains de voyageurs très rapides, en achetant par exemple les rames fabriquées par De Dietrich dès le début des années 50. On sait quel effet commercial fut produit par les Turbotrains... trop tard !
- Par contre, les électrifications auraient probablement été retardées une fois passée la phase initiale de Paris-Lyon. Celles qui ont suivi auraient été retardées de 10 à 15 ans.
Globalement, c'est une SNCF moins endettée qui aurait été plus lourdement impactée par le choc pétrolier et contrainte de rattraper son retard en matière d'électrifications, l'empêchant de construire les lignes TGV au delà du réseau de base (Paris-Lyon et Paris-Lille-Calais).